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« RENFORCER LE SAVOIR-FAIRE ET MAÎTRISER LA TRÉSORERIE »

David et Katia Reynaud sont associés à Nicolas Maloyer. Ils ont choisi de se spécialiser en lait, en montant progressivement en volume sur la base d'un système pâturant et économe. PHOTOS © A.B.

Le Gaec des Massères a choisi de se spécialiser. Les limousines et les pommes de terre de semences ont été arrêtées. La priorité est à l'efficacité économique, pas à la production à tout va.

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DÉTENTRICE DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT d'un « gros » troupeau (80 laitières), l'exploitation du Gaec des Massères s'est spécialisée dans le lait en abandonnant poulettes, poules pondeuses, puis pommes de terre de semences. « Cette activité occupait 4 ha pour une production annuelle d'une centaine de tonnes, précise David Reynaud, associé avec sa femme Katia et Nicolas Maloyer. Elle avait été commencée alors qu'il y avait du monde sur l'exploitation, cinq personnes dans les années 1970. Elle permettait de payer un tracteur tous les cinq ans, mais était très prenante : traitements nombreux, calibrage tout l'hiver en cave. Le semis et la récolte tombaient en même temps que l'implantation du maïs et l'ensilage d'herbe. Pour assurer la pérennité de la collecte, il aurait fallu réinvestir en matériel et monter à 10 ha ».

« LA QUALITÉ DU LAIT, ÇA PAIE »

Une voie que n'ont pas suivie les agriculteurs, estimant qu'à vouloir faire trop de choses, le risque est de ne rien faire correctement. Ce principe a aussi prévalu face aux douze limousines amenées par Nicolas, lors de son installation en décembre 2008. Elles ont été vendues au bout de deux ans. « Les vaches n'étaient pas primées, on n'engraissait pas les produits et les places étaient limitées en bâtiment. » Les tentatives de valoriser les petits veaux holsteins en boeufs conduits en plein air en 2006 ont également été arrêtées en 2010, après un hiver rigoureux. « En nous spécialisant, nous sommes globalement plus performants, estiment les associés. La qualité du lait, ça paie. Ce qu'on a gagné en réduisant le niveau cellulaire de notre lait équivaut au revenu que nous pouvions attendre de nos quinze boeufs. » Ces dernières années, David, Katia et Nicolas se sont attachés à développer un système pâturant économe, sans se focaliser sur la productivité individuelle des vaches, mais en valorisant au maximum les surfaces en herbe, nombreuses dans ce secteur où des exploitations arrêtent et où il n'y a plus que deux élevages laitiers. La reprise de certains terrains a d'ailleurs permis d'améliorer le parcellaire qui compte 25 ha de surfaces pâturables. Le pâturage tournant est pratiqué sept mois sur douze, de fin mars à début novembre. Entre le 15 mai et le 15 septembre, les laitières restent dehors nuit et jour. Compte tenu des sols séchants et difficiles (pentes, roches...), une complémentation alimentaire sous forme d'ensilage maïs et d'ensilage d'herbe est apportée. Les vaches reviennent tous les quinze jours environ sur la même parcelle. Elles ont toujours de l'herbe jeune, jamais en grande quantité. Aucun engrais n'est épandu sur les pâtures. L'hiver, la ration se compose de 30 kg d'ensilage d'herbe, de 25 kg d'ensilage maïs, de 2,5 kg de tourteau de colza, de 1 kg de céréales (triticale et seigle hybride), de 1 kg de corn gluten feed, de 50 g de sel, de 30 g carbonate de chaux, de 40 g de chlorure de magnésium et 200 g de minéraux 5.25. Les laitières les plus productives reçoivent 2 kg de concentrés en plus (moitié tourteau de colza, moitié céréales). Après avoir essayé des correcteurs azotés et minéraux sophistiqués, les éleveurs sont revenus aux fondamentaux : tourteau de colza et minéraux simples. Le Dac a été abandonné : l'été, il fallait attendre 21 heures pour lâcher les vaches dehors. Les concentrés sont aujourd'hui donnés à la gamelle au cornadis. Les fourrages sont distribués avec une distributrice achetée il y a dix ans à 1 400 €.

« NOUS POUVONS ACHETER EN GRANDE QUANTITÉ CAR NOUS AVONS DE LA TRÉSORERIE »

Plus que les volumes, les jeunes éleveurs privilégient la maîtrise des coûts. « Quand Nicolas nous a rejoints, le prix du lait était à 400 €/1 000 litres, se souvient David. L'année suivante, il est tombé à 280€ et il y a eu la sécheresse ! Avec de telles expériences, on apprend à être prudent. » Le tourteau de colza est désormais acheté par semi-remorque. « C'est une réelle source d'économie, mais cela exige de suivre les cours. Ce que l'on fait avec l'aide de notre coopérative d'approvisionnement Eurea. Pour améliorer les conditions de stockage, nous souhaitons aménager une plateforme adéquate. » Du corn gluten, en déshydraté ou en frais, est acheté selon les opportunités, ainsi que deux semi-remorques de paille par an pour les aires paillées des vaches et des génisses. « Aujourd'hui, nous pouvons acheter au bon moment car nous avons de la trésorerie. Cela n'a pas toujours été le cas. Il a fallu digérer la construction de la nouvelle stabulation mise en service en 2000, et solder les comptes associés de mon père et de mon oncle. »

« LE MATÉRIEL D'OCCASION EST PRIVILÉGIÉ »

Pour le matériel, les agriculteurs privilégient l'occasion, sauf pour le télescopique acquis en 2014. « Nous apprécions la polyvalence et l'efficacité de l'outil que nous utilisons aussi bien pour curer la stabulation qui comporte des poteaux, reprendre les toits de certains bâtiments ou charger le fumier. » L'installation d'un système de pesage sur la machine est en projet. En 2008, le Gaec s'est équipé d'une autochargeuse de 35 m3, une Krone très simple équipée de 32 couteaux qui fait des brins longs. « Avec une partie de nos parcelles à 10 km et des côtes à 8 %, le recours à l'entreprise avec remorques nous coûtait cher, et la qualité du fourrage récolté n'était pas satisfaisante. Sur les parcelles orientées plein sud, le ray-grass était récolté au bon stade, mais pas sur celles exposées plein nord. L'organisation des chantiers devenait complexe : les paysans se font rares ici. Avec l'autochargeuse, on fauche quand on veut dès qu'il y a trois jours de beau temps. Pour les premières coupes, on attaque après la traite faite à deux. À 18 h, 12 ha sont dans les silos jusqu'à 17 ha par jour pour les secondes coupes. Tout le fourrage est analysé. L'acquisition d'une autochargeuse, certes coûteuse, 25 000 €, apporte de la souplesse dans le travail, de la qualité dans les fourrages et une sécurité dans la récolte. Il y a cinq ans, nous fauchions 35 à 40 ha d'un coup. C'était risqué. » À chaque fois qu'ils envisagent un investissement, les jeunes éleveurs s'appuient sur le coût de production. « On ramène la charge liée au nouvel investissement aux 1 000 litres, précise Nicolas. Ainsi, pour le dernier télescopique, nous sommes partis du prix d'achat de l'outil, 60 000 €, diminué de la valeur de reprise de l'ancien, 20 000 €, soit 40 000 €. Ramené aux 400 000 litres que nous produisions alors, c'était envisageable. Nous nous sommes habitués à cette gymnastique. »

« NOUS NE NOUS FOCALISONS PAS SUR LA MOYENNE LAITIÈRE »

La sobriété est également de mise dans les bâtiments. La stabulation de 70 places construite il y a quinze ans est amortie, comme tous les bâtiments de la ferme. Elle avait coûté l'équivalent de 180 000 € (silos couloir, stockage de fourrages et d'effluents compris), subventionnés à hauteur de 30 %. Les génisses sont logées dans deux anciens poulaillers construits en 1966 et 1968. D'une superficie de 600 m2 chacun, ils ont été aménagés : ouverture sur le long-pan, aire paillée, marche derrière les cornadis, ajout d'un appentis pour garder au sec l'alimentation. La première stabulation des laitières construite en 1974 sert à stocker une partie du fourrage, de l'aliment et l'aplatisseur. Parmi les projets figurent l'aménagement d'un abri simple en autoconstruction pour stocker la paille et la réfection de l'atelier mécanique. Avec cet outil de production, Nicolas, Katia et David entendent monter progressivement en volume. « Depuis avril, à la suite de la reprise de nouvelles parcelles, nous produisons 500 000 litres sans avoir acheté de vaches supplémentaires ou doublé le prix de la ration. Pour nous, chercher l'intensification animale et fourragère serait une erreur. Nous continuerons à nous développer comme par le passé, aussi bien en quantités livrées qu'en litrage par vache. Pas question de faire des bonds spectaculaires. Nous aurions pu demander à Sodiaal 200 000 litres en plus. Mais pour quoi faire ? Planter un nouveau bâtiment ? À 6 000 € la place ? Pour quel revenu ? Personne n'est capable de dire combien le lait sera payé les mois prochains. Quand on lit certains reportages - les deux parents de 55 ans et le fils de 30 ans produisant 1,4 million de litres -, nous avons l'impression d'être des fainéants. Et pourtant, avec nos soixante heures par semaine, nous ne chômons pas. Ces grosses exploitations sont-elles viables humainement ? Quelle est leur rentabilité économique ? Les informations manquent sur ces aspects. » Avec leur système pâturant et économe, Nicolas, Katia et David abordent l'avenir plus sereinement. « Nous avons une trésorerie et nos bâtiments sont amortis. Avec la réforme de la Pac, nous devrions voir nos aides augmenter de 7-8 %. Et nous pouvons tenir avec un prix du lait à moins de 300 €si cela ne dure pas trop longtemps. Il y aura de plus en plus de variations du prix. Il faut s'y préparer. Pas en investissant 250 000 € dans un robot, mais en faisant de la trésorerie quand le lait est payé plus cher. Gérer une exploitation, c'est anticiper et faire avec ce qu'on a, et non avec ce qu'on pourrait avoir. »

« LA QUESTION D'UN SALARIÉ SE POSERA SANS DOUTE »

Gagner leur vie dans de bonnes conditions, telle est leur priorité. « Pas question que ma femme fasse bouillir la marmite, souligne Nicolas, ancien inséminateur. Nous nous rémunérons près de 1,5 Smic par mois avec, selon les années, un treizième mois. » Les associés entendent aussi profiter de leur famille. « On prend un week-end sur deux, une semaine de vacances l'été, quelques jours à Noël et en février. On a commencé à travailler avec le service de remplacement. Mais la question d'un salarié se posera sans doute. » Ils veillent aussi à la pénibilité de leur travail : « Nous avons investi dans un double andaineur pour passer moins de temps sur le tracteur. »

L'exploitation a cependant conservé une activité annexe : le déneigement. Plutôt pour la qualité de vie de la communauté l'hiver que pour le revenu : « Il n'y a pas assez de neige pour s'enrichir, commente David. Les meilleures années, on fait cent heures payées à façon. Mais en dégageant les routes, on est sûr que le car scolaire de nos enfants pourra circuler et que le laitier pourra monter à la ferme. »

Les associés entendent aussi profiter de leur famille et se réservent un week-end sur deux, une semaine de vacances l'été, quelques jours à Noël et en février.

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